POLITIQUE
par Michel Bühler
Celui qui combat peut perdre.
Celui qui ne combat pas a déjà perdu
(Bertolt Brecht)
A deux pas de Sainte-Croix et de L'Auberson, un parc industriel.
Depuis plus de vingt ans l’Association pour la Sauvegarde des Gittaz, du Mont-des-Cerfs et de Sainte-Croix (ASGMS) se bat contre un parc industriel éolien projeté sur les hauts de Sainte-Croix.
Les raisons qui alimentent cette lutte depuis si longtemps sont nombreuses. En vrac:
Nos crêtes se couvriraient d’hélices de 150 mètres de haut. Adieu la beauté de nos pâturages qu’apprécient les promeneurs, souvent des citadins. Chauves-souris et oiseaux seraient tués ou dérangés dans leur habitat naturel, d’où un danger pour la biodiversité. On déboiserait, on coulerait dans nos prés des tonnes de béton (d’où viendrait ce béton? Du Mormont, pardi!) Les infrasons provoqueraient des insomnies, des maux de tête, des dépressions. Nos maisons perdraient de leur valeur. Pour pallier au caractère intermittent de l’éolien il faudrait développer d’autres sources d’énergie, par exemple, comme en Allemagne, des centrales à charbon! L’éolien ne créerait aucun emploi chez nous mais leur fabrication polluerait au loin. Notre région n’est pas assez ventée: plantées au milieu du Léman, elles seraient trois fois plus efficaces que chez nous. Ce n’est pas le vent qui les fait tourner, mais les subventions. Ces machines sont des pompes à fric qui enrichissent quelques actionnaires. Dire qu’elles permettront de sortir du nucléaire est une illusion! Il faudrait des milliers de mâts pour remplacer cette plaie: où les mettrait-on?
Toutes ces raisons s’additionnent. Il en est une supplémentaire:
On ne peut pas indéfiniment exploiter une planète finie.
Or on n’a jamais entendu les promoteurs évoquer cette évidence, et appeler à limiter notre consommation. Au contraire: il faut couvrir le pays d’hélices pour pouvoir poursuivre la sainte croissance! Pour recharger les batteries des smartphones, faire rouler les voitures électriques, allumer les néons, faire tourner des gadgets inutiles! Pour pouvoir consommer, consommer, consommer!
Dès que le projet de Sainte-Croix a été connu, l’opposition s’est organisée. En 1999, l’ASGMS provoque un référendum. Le parc est rejeté par 60% des votants. La Commune se retire, le Canton passe la main à Romande Energie (RE). Dès lors se déroule une partie de pingpong: le promoteur dépose des plans, l’ASGMS fait recours, RE doit revoir sa copie, et on recommence. En 2012, au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima, 53% des votants se prononce pour l’éolien. D’un tribunal à l’autre, on monte jusqu’au Tribunal Fédéral, qui vient de rendre son arrêt: RE a le feu vert pour bâtir son parc.
Petite association de bénévoles, l’ASGMS se bat contre une entreprise puissante, un lobby tentaculaire. Au cours des années, on peut relever de grossières manœuvres. Exemples…
Juste avant le référendum de 2012, le promoteur abandonne l’éolienne No 1, en admettant qu’elle est trop proche du village. Le nouvel EMS qui se construit ensuite est quasiment à la même distance de la machine No 2. Mais il n’est pas question maintenant de renoncer à celle-ci: il n’y a pas de votation en vue!
Pour ne pas déranger le grand tétras, une route forestière va être interdite à la circulation entre décembre et mars. Non déneigée, elle est de toutes façons fermée en hiver!
Pour compenser le déboisement, on va rendre à la forêt une vieille piste de ski. Abandonnée depuis longtemps, elle s’est reboisée naturellement depuis 20 ans!
Parlant des infrasons, un officiel affirme: « L’oreille humaine ne les entend pas. Donc ils ne sont pas nuisibles »!
Une étude des vents de 2019 corrige une étude antérieure, et conclut que la production d’énergie ne sera que la moitié de ce qui était escompté au départ. Comme la Municipalité, le promoteur ne tient aucun compte de ce fait nouveau.
Dans tous les documents relatifs au parc, on lit que ce dernier est subordonné à l’assainissement des eaux des hameaux voisins: pas d’assainissement, pas d’éoliennes! Le 14 décembre 2020, la Municipalité demande au Conseil communal un crédit pour raccorder ces hameaux à la station d’épuration, en jurant que cela n’a aucun rapport avec le parc. On apprend par la suite que la Municipalité a signé le 4 décembre un contrat secret avec RE, par lequel elle s’engage à entreprendre ces travaux! 10 jours avant de demander son aval au Conseil communal! Contenant une clause de confidentialité, ce contrat n’est pas rendu public, et l’accès à certains documents qui pourraient expliquer cette entourloupe est interdit.
Fin 2020, 800 électeurs et électrices de la commune ont signé une demande d’un moratoire de 5 ans sur toute construction d’éoliennes. Le Canton vient de déclarer que cela n’a aucune valeur.
Cerise sur le gâteau, le Tribunal Fédéral vient de balayer tous les recours des opposants. Il base son jugement sur cette affirmation: « Les installations de production d’énergie éolienne offrent la flexibilité de production dans le temps et en fonction des besoins du marché et contribuent de manière significative à la sécurité de I’approvisionnement… en permettant de charger ou de décharger le réseau selon les besoins ». Les jours sans vent, la population devra aller souffler sous les éoliennes, pour satisfaire aux « besoins du marché »?
Nous ne pouvons pas baisser les bras!
Michel Bühler

L’auteur de l’article :
Chanteur, auteur compositeur, écrivain, dramaturge suisse du canton de Vaud, Michel Bühler est conseiller communal à Sainte-Croix depuis plus de 30 ans.
Ses dernières interventions au Conseil communal de Sainte-Croix à propos du projet éolien :
- Intervention du 21 juin 2021
- Intervention du 22 mars 2021
Ses ARTICLES et CHRONIQUES parus dans la presse en 2021 :
- paru dans « Le Courrier » (Genève), 20 juillet 2021
- paru dans « Moins » n°15, juillet 2021
- paru dans « Vigousse« , 30 avril 2021
- Chronique parue dans « Le Courrier » (Genève), le 25 mai 2021
En 2016, il écrit une chanson « Eoliennes » (CD « La Vague », distrib. EPM / Disque Office)
- Chanson « Eoliennes «